Le récent engouement populaire pour les diables rouges montrerait un sursaut de patriotisme belge. Or, ce n’est certainement qu’une illusion car, en dehors des deux guerres mondiales, le véritable patriotisme belge n’a tout simplement jamais existé. L’ouvrage collectif du professeur Olivier Luminet montre très bien la faiblesse de l’Etat et le peu d’élan populaire à construire une solide identité unitaire belge. A contrario, la confédération helvétique quadrilingue a su constituer une confrérie nationale très forte. Les Suisses admirent leur armée; tandis que les Belges dénigrent systématiquement leurs militaires qui effectuent pourtant un travail remarquable dans de nombreuses missions internationales. En Suisse, on voit partout flotter les drapeaux de la confédération. En Belgique, ce sont des lions noirs qui sont brandis le long des courses cyclistes. Les Francophones auraient cependant tort de reprocher au flamands leur forte identité culturelle. C’est l’absence de solide patriotisme belge qui a fait le lit des revendications identitaires flamande. Les humains ont besoin de ressentir un sentiment d’appartenance à un groupe. Au lieu de critiquer la fierté flamande, les Francophones feraient mieux de cesser d’avoir honte d’être Bruxellois ou Wallons. Et porter haut les couleurs de leur région, de leur ville et de leurs sportifs. Je crois que l’on peut être patriote sans être nationaliste, aimer sa nation sans pour autant détester les autres.
Le sport de compétition est une merveilleuse occasion de développer un patriotisme pacifique. Or, quelle fierté nationale peut-on ressentir en regard des piteux résultats de la Belgique aux jeux olympiques ? Pourquoi nos voisins les Pays-Bas obtiennent-ils sept fois plus de médailles (20) que la Belgique (3) ? Je crois que l’explication est surtout psychologique.
Dans l’école de ma jeunesse, j’avais un bon copain de classe, Luc Winants, qui est devenu grand maître international d’échecs et a même joué contre le champion du monde Anatoli Karpov. On ne fit absolument rien pour l’aider à combiner sa carrière de joueur d’échec et son parcours scolaire. En Belgique, il ne faut surtout pas « sortir du lot ».
En sport, nous avons beaucoup de jeunes talents, d’excellents coaches et même de remarquables experts en psychologie du sport comme le Professeur Philippe Godin. Qu’en faisons-nous ? Les autorités politiques, administratives, scolaires et universitaires les traitent le plus souvent avec mépris. Surtout s’ils osent vouloir développer le sport d’élite. En Belgique le mot « élite » est une grossièreté.
Pour qu’un artiste, un chercheur, un inventeur, un écrivain ou un sportif remporte le succès, il doit s’expatrier. En Belgique, il faut « Rester modeste et surtout ne pas se prendre au sérieux ». Cette attitude est peut-être le seul point commun identitaire du Nord au Sud du pays avec la bière, les moules et les frites. C’est bien sympathique, mais peu compatible avec la réalisation de grands projets qu’ils soient sportifs, économiques ou culturels.
Que faire ? Je pense qu’il faut encourager un sain patriotisme à tous les niveaux. Notamment, par le sport. Pour cela, il convient de développer à la fois la pratique modérée du sport dont les bienfaits sur la santé physique et mentale ont été scientifiquement démontrés. Et encourager aussi une élite sportive qui suscite enthousiasme, inspiration et fierté chez chacun des citoyens. Voilà qui contribuerait certainement à redynamiser un pays qui en a bien besoin, mais rien ne vous oblige à penser comme moi …