Des groupes de jeunes femmes (comme celles du mouvement FEMEN) remettent au goût du jour une forme de militantisme féministe spectaculaire. Elles organisent des manifestations agressives avec des slogans blasphématoires et provocateurs. Leurs seins nus attirent les caméras et leurs procurent la visibilité médiatique recherchée. Car le style plus discret et pacifique de la « marche des salopes » (femmes revendiquant le droit de s’habiller sexy sans être insultées et agressées) n’a suscité que peu de remous médiatique. On observe que seule une toute petite poignée de femmes se rebelle activement face à l’inquiétante montée du puritanisme religieux partout sur la planète. Durant les tolérantes années 70, il y avait tant de seins nus sur les plages que quelques poitrines dénudées dans la rue n’auraient suscité guère d’émois. Les femmes allaient au travail sans soutien-gorge et se promenaient en mini-jupe dans n’importe quel quartier sans grand danger d’êtres injuriées. En Europe, on pouvait se moquer de tous les dieux et de toutes les pudibonderies sans le moindre risque. Cette époque est révolue.
Or, comme le soutiennent certaines militantes féministes, la nudité féminine, la tolérance sexuelle et le droit au blasphème sont des symboles fondamentaux de la liberté démocratique. Et il semblerait que la sociologie et la psychologie leur donnent raison. Dès le 18e siècle, les anthropologues avaient observés que les cultures du Pacifique, où existaient les plus grandes libertés sexuelles et religieuses, étaient aussi les plus paisibles et les plus égalitaires. A contrario, les sociétés humaines machistes et répressives sur le plan sexuel étaient les plus violentes. Cela s’observe toujours aujourd’hui.
La violence est pratiquement inexistante dans le milieu tolérant du naturisme (nudistes). Tandis que les viols sont (trop) répandus dans les quartiers où les femmes se couvrent de la tête aux pieds. Ce qui confirme que ce n’est pas la nudité des femmes qui provoque l’agressivité sexuelle des hommes. Au contraire, c’est la frustration sexuelle des mâles qui les rend particulièrement agressifs. En résumé, on peut dire que plus une société est puritaine et intolérante, plus elle génère de la violence.
Pendant des siècles, des hommes et des femmes se sont battus pour sortir l’Europe de l’obscurantisme religieux et faire progresser l’égalité homme-femme. De grands partis démocratiques ont fait avancer la liberté individuelle en combattant l’emprise de la religion dans la sphère publique. Aujourd’hui, ces mêmes partis font preuve d’une complaisante mollesse envers les religieux extrémistes. Angélisme ou opportunisme électoral ? Les rares politiques à dénoncer les dérives de certaines religions sont médiatiquement crucifiés par les «bienpensants» en étant accusés de racisme et fascisme. Aussi incroyable que cela paraisse, ce sont maintenant des personnalités d’extrême droite, comme Marine Le Pen en France, qui reprennent le combat de la laïcité et de l’égalité entre les sexes.
C’est pourquoi, je pense que nous devons nous réjouir que quelques jeunes femmes courageuses affrontent presque seules et presque nues les puritains de tous acabits, y compris ceux d’extrême droite. Certes, on peut contester leurs méthodes agressives et critiquer leur féminisme radical. On peut aussi, comme moi, être croyant et pourtant réfléchir à leur combat. Quel modèle de société voulons-nous léguer à nos enfants ? Pour ma part, je veux que ma fille vive dans un monde où la loi sera celle des élus et pas celle des porte-paroles autoproclamés d’un Dieu imposé. Où on ne l’insultera pas si elle porte une jupe en rue. Où elle ne devra pas être toujours accompagnée d’un homme pour sortir de sa maison. Où on ne la forcera pas à épouser un inconnu. Où elle pourra encore porter plainte si son conjoint la bat et toujours voir ses enfants s’il la quitte. Où on ne le lui coupera pas la tête si elle trompe son mari. Où elle pourra rejoindre ou quitter librement la religion de son choix. Où elle pourra aussi se moquer, critiquer ou rire de tous les dieux sans risquer le procès, la prison ou la mort. Bref un monde où la religion est au service de l’humain et pas la femme soumise à la loi des religieux. C’est pour cela que nous avons besoin de protéger ces quelques jeunes femmes rebelles. Je ne partage pas toutes leurs idées et leurs actions. Mais au moins, elles poursuivent un combat courageux que l’immense majorité des hommes – aussi lâches que moi - n’osent pas mener eux-mêmes. Mais rien ne vous oblige à penser comme moi …